DÉCOUVERTE DE 30 EXOCOMÈTES DANS LE SYSTÈME PLANÉTAIRE JEUNE DE Β PICTORIS
L'étoile β Pictoris abrite un système planétaire jeune qui se caractérise par la présence d'un disque de gaz et de poussières, d'au moins deux planètes massives et de nombreux astéroïdes et comètes. Par l’analyse de l'ensemble des observations de β Pictoris obtenues avec le Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS) de la NASA, 30 transits d'exocomètes ont été identifiés. La mesure de la quantité de poussières produite par ces comètes a permis, pour la première fois dans un système extrasolaire, l’estimation de la taille des noyaux cométaires qui font entre 3 et 14 kilomètres de diamètre. La taille des comètes et sa répartition entre les petits et les gros noyaux cométaires montrent une similitude frappante avec celles des comètes observées dans le système solaire. Ce résultat montre que ces exocomètes sont issues de processus de collisions et de fragmentation.
Fig. 1 : Vue d'artiste des exocomètes en orbite autour de l'étoile β Pictoris.
Sur cette illustration la bande diffuse rouge représente le disque de poussières entourant l'étoile β Pictoris, représentée par un disque brillant. Les queues de poussières et de gaz qui s’échappent des noyaux cométaires forment des trainées dans la direction opposée à la direction de l’étoile à cause de la pression de radiation qui pousse les particules de gaz et les grains de poussière vers l’extérieur du système.
Crédit : ESO/L. Calçada (https://www.eso.org/public/images/eso1432a)
Le système planétaire de β Pictoris (Fig. 1) est âgé de seulement une vingtaine de millions d’années, ce qui est très jeune comparé aux 4,5 milliards d’années du système solaire. Son observation fournit des informations cruciales pour comprendre les phases finales de la formation planétaire et les interactions entre tous les corps qui le composent : planètes et petits corps comme les astéroïdes et les comètes. Depuis plus de trente ans, des exocomètes ont été observées dans β Pictoris grâce à la spectroscopie qui permet de détecter le gaz présent dans les queues cométaires. Mais la détection des queues de poussières est beaucoup plus difficile car elle nécessite des observations photométriques de très haute précision. Ces observations ont été rendues possibles avec l'observatoire TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA.
Ces travaux ont été réalisés par une équipe dirigée par Alain Lecavelier des Etangs, chercheur CNRS à l’Institut d’astrophysique de Paris (CNRS, Sorbonne Université) avec une étudiante de l’École nationale supérieure des mines de Paris, des chercheurs de l'Institut d'astrophysique de Paris, de l’Observatoire de Haute Provence, du Laboratorio Nacional de Astrofísica au Brésil, du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris-CNRS, Paris Sciences et Lettres, Sorbonne Université, Université Paris Cité), de l’Observatoire de Leiden aux Pays Bas, et de l’Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (Université Grenoble Alpes - CNRS). L’analyse des observations collectées par le satellite TESS a permis déterminer la taille des noyaux de ces 30 comètes qui font entre 3 et 14 kilomètres de diamètre. L'article est publié par Scientific Reports (Springer Nature).
Ces comètes ont été détectées par la méthode dite des « transits », c’est-à-dire par l’observation de la baisse de luminosité d’une étoile lorsque qu’un objet en orbite passe sur la ligne de visée entre la Terre et l’étoile, occultant partiellement cette étoile. Dans ce cas, la courbe de lumière, c’est-à-dire la forme du graphe qui représente la luminosité de l’étoile en fonction du temps, est tout à fait particulière, en forme « triangulaire arrondie » (voir Fig. 2). Cette forme avait été prédite il y a plus de vingt ans (en 1999) par Alain Lecavelier et ses collaborateurs, ce qui permet d’identifier sans aucun doute qu’il s’agit de transits d’exocomètes. La baisse de luminosité étant due à l’occultation par les poussières de la queue cométaire, sa mesure permet de quantifier le taux de production de poussières par évaporation du noyau de chaque comète et d’en déduire sa taille.
Fig. 2 : Courbes de lumière du transit d'une comète, telles que prédite et observée pour β Pictoris.
La figure de gauche montre la courbe de lumière de β Pictoris observée avec TESS lors du passage d'une exocomète devant cette étoile le 2 janvier 2019 (Lecavelier des Etangs et al. 2022 ; voir aussi Zieba et al. 2019 ; Pavlenko et al. 2022). La figure de droite montre la courbe de lumière théorique prédite il y a plus de 20 ans par A. Lecavelier des Etangs, A. Vidal-Madjar & R. Ferlet (Astronomy & Astrophysics 1999).
Crédit : A. Lecavelier des Etangs (IAP-CNRS)
Fig. 3 : Répartition de la taille des exocomètes découvertes dans le système planétaire de β Pictoris.
Alors que 16 exocomètes font entre 3 et 4 kilomètres de diamètre, seulement 4 ont un diamètre compris entre 6 et 8 kilomètres et une seule comète a un diamètre compris entre 8 et 10 kilomètres. Cette rapide décroissance du nombre d'objets pour les grandes tailles est caractéristique des objets produits par collision et fragmentation.
Crédit : A. Lecavelier des Etangs (IAP-CNRS)
Mieux encore, le grand nombre de détections permet de déterminer la distribution de la taille des exocomètes, c'est à dire combien il y de petites comètes relativement au nombre de grosses comètes : les noyaux cométaires des trente objets détectés font entre 3 et 14 kilomètres de diamètre (voir Fig. 3). C'est la première fois que la distribution de la taille de petits corps est mesurée dans un système extrasolaire : c'est seulement le deuxième système planétaire après le système solaire pour lequel nous avons des informations sur la distribution en taille des objets autres que les planètes qui le composent.
La connaissance de la distribution de la taille des comètes et des astéroïdes est importante car cette répartition résulte directement de processus qui ont eu lieu lors de la formation planétaire, en particulier de la compétition entre l’agglomération des petits corps appelés planétésimaux pour en former de plus gros et la fragmentation des corps plus gros en plus petits fragments lors de collisions. C'est pourquoi de nombreux travaux ont été menés pour mesurer précisément la distribution de la taille des petits corps dans le Système solaire.
Dans l'article publié dans Scientific Reports de Springer Nature, il est démontré que la taille des noyaux d'exocomètes dans le système planétaire de β Pictoris est étonnamment similaire à celle des comètes du Système solaire. En outre, la distribution observée dans β Pictoris correspond à celle attendue dans le cas d'une population de comètes formée par des cascades de collisions et de fragmentations (voir Fig. 4).
Fig. 4 : Distribution de la taille des exocomètes dans le système planétaire de β Pictoris.
La taille de chacune des 30 exocomètes est indiquée par un carré bleu. Le trait rouge indique la distribution attendue pour une population d'objets produits par des collisions telle que prédite par J. Dohnanyi en 1969.
Crédit : A. Lecavelier des Etangs (IAP-CNRS)
Ce nouveau résultat montre l'importance des collisions dans les processus qui déterminent la taille des comètes. Sachant que la chute de comètes sur la Terre est avancée pour expliquer l’origine de l’eau sur notre planète, la similitude de l’histoire des comètes dans le système planétaire de β Pictoris et dans le Système solaire est d’importance. Ces travaux illustrent le rôle des interactions entre les planètes et les petits corps tels les astéroïdes ou les comètes, pour déterminer la physionomie des systèmes planétaires et l’histoire des objets qui les composent.
Lien
Article (en anglais) dans Nature : Lecavelier des Etangs, A., Cros, L., Hébrard, G. et al. « Exocomets size distribution in the β Pictoris planetary system » Scientific Reports 12, 5855 (2022) (Version publique)
Rédaction et contact
- Alain Lecavelier
Institut d’astrophysique de Paris, CNRS, Sorbonne Université
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Mise en page et iconographie : Jean Mouette
Juin 2022