logoIAP
drapeau

DÉCOUVERTE D’UN SYSTÈME EXTRASOLAIRE DE DEUX PLANÈTES EN FORTE INTERACTION

Une équipe internationale conduite par Guillaume Hébrard de l’Institut d’astrophysique de Paris a détecté et caractérisé un système exoplanétaire particulièrement intéressant. Il est constitué d’une première planète, WASP-148b, qui passe devant son étoile hôte avec une période de 8,8 jours, et d’une seconde planète, WASP-148c, dont la période est environ quatre fois plus longue. Cette configuration provoque de petites variations de la période de WASP-148b du fait des interactions gravitationnelles entre les deux planètes. Ces variations ont été observées, il s'agit de la première détection depuis le sol de ce type de phénomène. Les observations et études de ce système vont se poursuivre afin de mieux comprendre sa structure et son évolution.

Figure 1 : Vue d’artiste du système exoplanétaire WASP-148 (© Institut d’astrophysique de Paris, Mark A. Garlick). La planète WASP-148c est visible au premier plan. On voit au second plan la planète WASP-148b en transit devant l’étoile autour de laquelle les deux planètes sont en orbite.

Depuis la découverte en 1995 de la première exoplanète en orbite autour d’une étoile de type solaire, les planètes autour d’autres étoiles que le Soleil sont l’objet de nombreuses études. Dans ce cadre, la recherche de systèmes comprenant plusieurs planètes en orbite autour d’une même étoile est particulièrement intéressante. Ces planètes s'attirent en effet entre elles du fait de leur gravité, et cela produit des modifications de leur mouvement qui peuvent être détectées dans certains cas.

Lorsqu'une exoplanète est seule à être en orbite autour d’une étoile, elle en fait le tour avec une période bien définie et qui ne varie pas. Si l’orbite est orientée de manière à ce que, vue depuis la Terre, la planète passe juste devant son étoile, on peut observer une légère baisse de la lumière de l’étoile pendant ce qu’on appelle un « transit planétaire ». Ces transits se reproduisent à intervalles de temps réguliers ce, qui permet de mesurer précisément la période orbitale de la planète ; on peut ainsi constater que cette période ne varie pas. Si l’étoile possède une seconde planète en plus de la planète en transit, les interactions gravitationnelles entre les deux planètes provoquent de petites accélérations ou décélérations des planètes sur leurs orbites. On observe alors des transits planétaires un peu en avance ou en retard d’un passage à un autre, phénomène appelé « variations de chronométrage » (ou TTV, pour transit timing variations en anglais).

Prédites d’un point de vue théorique, les variations de chronométrage sont longtemps restées inobservées malgré de nombreuses recherches avec des télescopes au sol. En effet, dans la plupart des cas les interactions gravitationnelles conduisent à des variations de chronométrage de quelques secondes ou moins, difficiles à détecter. C'est le télescope spatial Kepler qui le premier, en 2010, détecte des variations de chronométrage dans un système exoplanétaire. Ce cas était particulièrement favorable à une détection car les deux planètes principales de ce système ont des périodes orbitales d’environ 38 et 19 jours, c'est-à-dire que l’une des périodes est près du double de l’autre. Ainsi, les deux planètes se trouvent souvent dans des configurations qui intensifient leur interaction, ce qui a pour effet d’augmenter l’amplitude des variations de chronométrage ; on parle alors de résonance. Quelques dizaines de systèmes planétaires résonants avec variations de chronométrage ont depuis été détectés, tous avec des télescopes spatiaux.

Figure 2 : Spectroscope SOPHIE (© OSU Pytheas, CNRS, AMU). Installé au télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence et régulé en température et en pression, cet instrument permet de détecter et caractériser des planètes extrasolaires en mesurant précisément les toutes petites variations de vitesse radiale que leur présence induit dans leurs étoiles hôtes.

Le système planétaire WASP-148 (Figure 1), dont la découverte est annoncée le 2 juillet 2020 par une équipe internationale, a lui été détecté à partir de télescopes au sol. Un candidat planète en transit avait tout d’abord été identifié par l’instrument SuperWASP, installé à l’Observatoire de Roque de los Muchachos à La Palma, aux îles Canaries. À partir de 2014, l’étoile hôte fut observée avec le spectroscope à haute résolution SOPHIE (Figure 2) installé à l’Observatoire de Haute-Provence (Figure 3), en France, qui permet de mesurer précisément les variations de vitesse radiales des étoiles dues à la présence d’exoplanètes. L’ensemble de ces observations a permis de conclure que l’étoile WASP-148 héberge une première planète, WASP-148b, ayant environ la taille et la masse de Saturne et une période orbitale de 8,8 jours. Les observations de SOPHIE ont de plus révélé qu'une seconde planète est en orbite autour de cette étoile, WASP-148c, avec une masse pour moitié celle de Jupiter et une période orbitale de 34,5 jours (Figure 4).

Il s’agit d’un système proche de la résonance, la période orbitale de la planète WASP-148c étant approximativement quatre fois plus longue que celle de WASP-148b. Des variations de chronométrage ont effectivement été détectées, au moyen de petits télescopes situés aux îles Canaries (télescopes Nites, Carlos-Sánchez et Liverpool) et en France (observatoire amateur Hubert-Reeves, en Ardèche) : des transits de WASP-148b devant son étoile ont été observés et se sont produits parfois un quart d’heure en avance ou en retard par rapport à la prédiction, en considérant une période orbitale constante (Figure 5). On a ainsi une bonne compréhension de la structure de ce système planétaire et des interactions qui le régissent, les variations de chronométrage de la planète WASP-148b étant expliquées par la présence de la planète WASP-148c. Les études théoriques des interactions gravitationnelles entre les deux planètes indiquent également que leurs orbites sont approximativement coplanaires (situées dans des plans faisant un angle de moins de 35 degrés entre eux), et que cette configuration est stable.

Ce résultat constitue la première détection depuis le sol de variations de chronométrage pour un système planétaire résonant, obtenue grâce à dix années d’observation. Dans les mois et années à venir, le système multiplanétaire WASP-148 sera l’objet de nombreuses études théoriques et d’observations complémentaires, qui permettront d’affiner les mesures de ses propriétés, et de mieux comprendre sa structure et son évolution. En particulier, le système est actuellement observé par le télescope spatial Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS) de la NASA. Neuf transits consécutifs de WASP-148b pourront être observés, et l’éventuelle existence d’un transit pour WASP-148c, qui serait dû au passage de cette deuxième planète devant son étoile hôte, pourra être testée.


Figure 3 : Observatoire de Haute-Provence (© OSU Pytheas, CNRS, AMU). C’est au télescope de 193 cm (au deuxième plan) qu’est installé le spectroscope SOPHIE, qui a contribué à la détection et à la caractérisation du système exoplanétaire WASP-148.

Figure 4 : Mesures (en rouge) de la vitesse radiale de l’étoile du système planétaire WASP-148 avec le spectroscope SOPHIE à l’Observatoire de Haute-Provence (© G. Hébrard et al.). Elles mettent en évidence les variations de la vitesse de l’étoile provoquées par les planètes WASP-148b (à gauche) et WASP-148c (à droite). Les lignes noires représentent le modèle théorique ajustant au mieux les points de mesure.

Figure 5 : Exemple de transits de la planète WASP-148b mesurés par deux télescopes à deux dates différentes (© G. Hébrard et al.). Chaque point indique la quantité de lumière mesurée en provenance de l’étoile, et la ligne noire représente le modèle théorique. On observe une légère baisse de cette lumière quand la planète WASP-148b passe devant son étoile. La mesure précise du centre du transit permet de détecter des variations de chronométrage , provoqués par les effets gravitationnels de la planète WASP-148c.

Liens

puce Article (en anglais) de Astronomy and Astrophysics : Hébrard et al., 2020, « Discovery and characterization of the exoplanets WASP-148b and c. A transiting system with two interacting giant planet » https://www.aanda.org/articles/aa/pdf/2020/08/aa38296-20.pdf (version publique)

puce Communiqué de presse du CNRS : « Découverte inédite depuis le sol de deux exoplanètes en interaction »

puce Opération de science participative pour l'observation des transits de WASP-148b par le grand public, menée depuis 2021 par l'Association française d'astronomie (AFA), en collaboration avec l'IAP.

Rédaction et contact

Rédaction web : Valérie de Lapparent
Mise en page et iconographie : Jean Mouette

Juillet 2020

Institut d’Astrophysique de Paris - 98 bis boulevard Arago - 75014 Paris