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DÉTECTION ET CARACTÉRISATION DE TROIS JUPITERS CHAUDS MODÉRÉS AVEC LES DONNÉES DE SOPHIE ET TESS

Alors que des milliers d'exoplanètes ont été confirmées, le nombre de Jupiters chauds modérés en transit reste relativement faible, malgré leur rôle clé en science planétaire. Une équipe internationale, dirigée par une jeune chercheuse de l'Institut d'astrophysique de Paris, a découvert trois nouveaux Jupiters chauds modérés. Notamment, TOI-5110b se distingue par son orbite très elliptique, ce qui en fait l'une des planètes les plus excentriques connues, tandis que TOI-2537b présente des variations dans le temps de transit, suggérant des interactions gravitationnelles avec un deuxième compagnon.

Depuis la découverte, en 1995, de la première planète en orbite autour d'une étoile autre que notre Soleil, plus de 5 000 exoplanètes ont été identifiées. Parmi celles-ci, les Jupiters chauds modérés en transit constituent des cibles clés pour étudier la formation et l'évolution des planètes. Ces géantes gazeuses, similaires à Jupiter en taille et en masse, orbitent autour de leurs étoiles à des distances modérées, avec des périodes orbitales comprises entre 0,3 et 7 mois. Leur éloignement relatif par rapport à leur étoile réduit les effets de la proximité stellaire, préservant ainsi des indices sur leur formation et leur histoire évolutive. Malgré leur importance, la découverte et la caractérisation des Jupiters chauds modérés, en particulier celles avec des périodes orbitales plus longues (> 20 jours), restent limitées. Ces planètes ne représentent qu'environ 2 % de toutes les exoplanètes découvertes.

Figure 1 : Le spectrographe SOPHIE

Figure 1 : Le spectrographe SOPHIE, installé à l’Observatoire de Haute-Provence. Cet instrument a été utilisé pour la découverte et la caractérisation des planètes présentées dans cette étude.
Crédit : OSU Pytheas, CNRS, AMU.

L’équipe Exoplanètes de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), en collaboration avec un réseau international de chercheurs, a découvert trois nouvelles Jupiters chauds modérés : TOI-2295b, TOI-2537b et TOI-5110b, ayant des périodes orbitales comprises entre 30 et 94 jours. Ces découvertes, dirigées par Neda Heidari, chercheuse postdoctorale à l’IAP, ont été rendues possibles grâce aux données du spectrographe haute précision SOPHIE (voir figure 1), installé à l’Observatoire de Haute-Provence en France, ainsi qu’à celles du satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite, NASA) de la NASA et du télescope spatial CHEOPS (CHaracterising ExOPlanet Satellite) de l’Agence spatiale européenne.

TESS et CHEOPS utilisent la méthode des transits, qui consiste à observer les planètes lorsqu'elles passent devant leur étoile hôte, provoquant ainsi une baisse temporaire de la luminosité observée. Les données issues de ces transits ont permis à l’équipe de mesurer les diamètres des planètes, compris entre 1,0 et 1,5 fois celui de Jupiter. L’instrument SOPHIE utilise la méthode des vitesses radiales, détectant de minuscules variations du mouvement d’une étoile causées par l’attraction gravitationnelle exercée par les planètes en orbite. Cette méthode a permis à l’équipe de mesurer les masses des planètes, variant entre 0,9 et 2,9 fois celle de Jupiter. De plus, les données de SOPHIE ont révélé que TOI-2295b et TOI-2537b appartiennent à des systèmes multi-planétaires. Leurs compagnons extérieurs, TOI-2295c et TOI-2537c, possèdent des périodes orbitales respectives de 2,6 et 5,3 ans et des masses d’au moins 6 et 7 fois celle de Jupiter.

Parmi ces planètes, TOI-5110b se distingue par son orbite fortement elliptique, caractérisée par une excentricité de 0,7, ce qui en fait l'une des planètes les plus excentriques jamais découvertes (voir figure 2). Une telle excentricité extrême pourrait s’expliquer par l’interaction de la planète avec un autre corps du système, entraînant un rétrécissement de son orbite et une augmentation de son excentricité. Si ce scénario se confirme, TOI-5110b pourrait être un proto-Jupiter chaud : une planète géante qui s’est formée à une plus grande distance, a migré vers l’intérieur et continue de se rapprocher de son étoile. Elle pourrait, à terme, devenir un Jupiter chaud avec une orbite inférieure à 10 jours. Bien que ce scénario soit plausible, les données actuelles n’apportent aucune preuve de la présence d’une autre planète dans le système susceptible de provoquer cette migration. Des observations supplémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre la dynamique de ce système.

Figure 2 : Diagramme excentricité-période des planètes en transit de cette étude et d'autres exoplanètes aux caractéristiques connues (données NASA au 26 février 2024).

Figure 2 : Diagramme excentricité-période des planètes en transit de cette étude et d'autres exoplanètes aux caractéristiques connues (données NASA au 26 février 2024). TOI-5110b se distingue comme l’une des planètes les plus excentriques découvertes à ce jour.
Crédit : Neda Heidari.

L’équipe a également découvert que le moment des transits de TOI-2537b varie d’environ 22 minutes, alors que, pour la plupart des planètes détectées jusqu’à présent, ces moments sont précis à quelques secondes près. Ce phénomène, connu sous le nom de variations du temps de transit, indique que la planète ne suit pas une orbite keplérienne. Selon l’équipe, ces variations sont probablement causées par l’influence gravitationnelle de la planète extérieure du système, TOI-2537c, qui orbite à une distance plus grande. Pour comprendre pleinement la dynamique de ce système, des observations supplémentaires des transits seront cruciales. Ces observations permettront d’affiner les modèles, offrant une image plus détaillée des interactions entre les planètes et de l’évolution globale du système.

Liens

puce L'article scientifique publié aujourd'hui dans la revue Astronomy & Astrophysics par Heidari, Hébrard, Martioli, Eastman et al. (2025), « Characterization of seven transiting systems including four warm Jupiters from SOPHIE and TESS »

puce Le spectrographe SOPHIE à l'OHP

Rédaction et contact

Mise en page : Jean Mouette

Février 2025

Institut d’Astrophysique de Paris - 98 bis boulevard Arago - 75014 Paris