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COSMOS-WEBB POUR DÉVOILER LES PREMIÈRES STRUCTURES DE L'UNIVERS

L'année prochaine, le télescope spatial James Webb (JWST) consacrera 206 heures à observer en lumière infrarouge un tiers du champ COSMOS : couvrant une zone plus grande que la pleine Lune, cette région du ciel a été étudié pour la première fois par le télescope spatial Hubble, et depuis observé par tous les grands télescopes sur Terre et dans l’espace. Le champ COSMOS est ainsi devenu une référence incontournable pour étudier l’évolution des galaxies et de la structure à grande échelle de l’Univers au cours du temps cosmique. Grâce à sa grande surface sur le ciel, COSMOS-Webb permettra aux astronomes de voir pour la première fois la distribution des toutes premières galaxies de l’Univers, et conduira à une mine d’or de cibles pour de futures observations avec JWST et d’autres télescopes.

Au début du 20e siècle, les astronomes ont réalisé pour la première fois que la distribution des étoiles dans les premiers relevés du ciel pouvait fournir des indices sur la forme de notre propre galaxie la Voie lactée. Au cours des années suivantes, de puissants télescopes (comme le 100 pouces du mont Palomar en Californie) ont montré que les galaxies elles-mêmes s'étalaient dans le ciel selon un schéma qui contient des indices essentiels sur la nature et le devenir de l’Univers lui-même. C'est l’histoire de l’astronomie : à chaque nouvel instrument, les chercheurs et chercheuses font un pas vers une meilleure compréhension de notre Univers (pour un exemple de ce que les mesures modernes et l’analyse de la distribution à grande échelle des galaxies peuvent nous réveler, voir « L’origine des grandes structures de l’Univers et les flots de matière noire dans notre voisinage cosmique »).

L’année prochaine, à l’aide du télescope spatial James Webb (JWST), qui sera bientôt lancé, une équipe internationale d’astronomes cartographiera pour la première fois avec des caméras infrarouges très sensibles une vaste région inexplorée de l’Univers très lointain : COSMOS-Webb. Une prédiction clé des théories actuelles sur la formation de l’Univers est que les étoiles et les galaxies se forment à l’intérieur de bulles chaudes d’hydrogène gazeux ionisé (les atomes d’hydrogène sont dépouillés de leurs électrons). La répartition des galaxies dans ces images de JWST permettra aux astronomes de voir pour la première fois l’empreinte de ces bulles sur la distribution à grande échelle des toutes premières étoiles et galaxies. La comparaison des nombres de ces galaxies lointaines avec les prédictions issues de simulations informatiques permettra aux astrophysiciennes et astrophysiciens de comprendre comment les galaxies se sont formées lorsque l’Univers était très jeune. Et les cartes, qui seront mises à la disposition de tous les astronomes, constitueront une feuille de route essentielle pour les observations futures.

Image composite du champ COSMOS par rapport à la taille de la Lune (un demi-degré). Figure 1 : Image composite du champ COSMOS par rapport à la taille de la Lune (un demi-degré). Crédits : COSMOS team.

Au cours des trois dernières décennies, le télescope spatial Hubble (HST) a ouvert des fenêtres sur l’Univers lointain à peine perçues par les observatoires au sol. Cependant, cartographier comment les galaxies sont liées entre elles dans le ciel semblait au début comme une tâche impossible pour HST : les caméras du télescope ne peuvent voir qu'une infime partie du ciel à chaque prise de vue (correspondant à la taille apparente de quelques cratères sur la Lune). Mais une équipe d’astronomes a utilisé de manière ambitieuse HST pour étudier le champ COSMOS, une région du ciel plus grande que la pleine lune (voir Fig. 1), ce qui en fait la plus grande zone contiguë du ciel couverte par HST. Depuis lors, des milliers d’articles scientifiques se sont plongés dans le champ COSMOS, dessinant une image détaillée de la façon dont les galaxies, la matière noire, le gaz et la poussière interagissent à grande échelle et comment ils ont évolué au cours du temps cosmique. Depuis ces premières observations par HST, le champ COSMOS a été couvert par tous les grands télescopes de la Terre et dans l’espace, et ces données ont été partagées dans le cadre d’une collaboration remarquablement ouverte et productive entre de nombreux astrophysiciens et astrophysiciennes du monde.

Les chercheuses et chercheurs français ont joué un rôle clé dans COSMOS depuis le lancement du projet en 2003, avec le soutien continu du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES). L’instrument VIMOS construit au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM) et installé au Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire Européen Austral (ESO) a mesuré des distances précises pour des dizaines de milliers de galaxies dans COSMOS. Les caméras grand champ optique Megacam, et infrarouge WIRCAM du télescope Canada-France-Hawaï (TCFH) ont fourni les premières images du champ COSMOS. La création des deux derniers catalogues publics COSMOS a été menée par l’IAP et le LAM. Au début, les images grand champ obtenues à différentes longueurs d’onde étaient traitées au centre TERAPIX de l’IAP ; elles sont désormais traités à l’aide du nouveau centre de données CANDIDE de l’IAP, un projet dédié aux données optiques et infrarouges dans les relevés grand champ, et venant en appui au projet Euclid. À partir de ces images, les équipes du LAM et de l’IAP ont créé le catalogue le plus vaste et le plus complet de « décalages vers le rouge photométriques » : à partir d’un petit échantillon de mesures de distance très précises, cette technique utilise les luminosités des galaxies à différentes longueurs d’onde pour estimer les distances pour toutes les galaxies du champ COSMOS, plus d’un million d’objets pour les catalogues les plus récents.

Les catalogues COSMOS sont devenus depuis un point de référence incontournable pour étudier l’évolution des galaxies au cours du temps cosmique et pour poser de nombreuses nouvelles questions sur l’Univers. Les articles scientifiques qui les décrivent sont parmi les plus cités en astronomie. Des articles dirigés par des chercheuses et chercheurs français décrivent comment les masses de galaxies se sont accumulées à travers le temps cosmique et comment sont réparties les galaxies aux plus grandes échelles. Ces dernières années, les catalogues COSMOS ont également joué un rôle crucial dans la préparation de la mission Euclid de l’Agence Spatiale Europenne (ESA) en fournissant un recensement détaillé des nombres et des types de galaxies lointaines. Les images originales de COSMOS HST ont également joué un rôle crucial dans la réalisation de simulations réalistes de ce que le satellite Euclid verra.

Bien sûr, les astronomes aimeraient voir toujours plus loin. Les données du champ COSMOS ont suggéré des galaxies massives très éloignées, hors de portée de la plupart des relevés actuels. La vitesse finie de la lumière est une machine à voyager dans le temps, ce qui signifie que les objets les plus éloignés se trouvent au tout début de l’histoire Univers. Mais l’Univers en expansion signifie que leur lumière devient de plus en plus rouge à mesure qu'elle voyage vers nous. Pour voir si loin en arrière, il faut un télescope avec non seulement un miroir assez grand pour recueillir les rares photons provenant des premières époques de l’Univers, mais aussi un télescope sensible à la lumière infrarouge émise par ces galaxies lointaines. Un défi encore plus grand est que chaque objet ordinaire sur Terre émet également des photons dans l’infrarouge ; ceux-ci couvriraient le faible signal de ces galaxies lointaines. Pour détecter cette lumière ancienne, le télescope doit être refroidi à quelques degrés au-dessus du zéro absolu et placé loin des sources terrestres. Le JWST, d’une valeur de dix milliards de dollars, avec un miroir pliable doré de 6,5 mètres, est optimisé pour l’étude de ces objets lointains et faibles. Il devrait être lancé en octobre 2021 et envoyé dans l’un des endroits les plus froids du système solaire, le deuxième point de Lagrange . Une seule image prise avec le JWST verra plus profond que les relevés infrarouges de COSMOS au sol qui ont nécessité une dizaine d’années d’observation.

JWST est un instrument remarquable, peut-être le télescope le plus sensible jamais construit. Ses caméras peuvent enregistrer la lumière d’objets infiniment plus faibles que tout ce qui n'a jamais été observé auparavant. Mais où peut-on pointer un observatoire aussi ultramoderne et sensible, s'il doit explorer une contrée que personne n'a jamais visitée auparavant ? La meilleure chose à faire, dès le départ, est d’étudier une large bande de ce nouveau territoire pour guider les astronomes. Comme avec HST, un tel relevé semblait une tâche impossible avec le champ de vision minuscule des caméras du JWST. Néanmoins, l’équipe de COSMOS a proposé un programme ambitieux, COSMOS-Webb, visant à couvrir un tiers du champ COSMOS avec les caméras infrarouge et proche infrarouge de JWST. Un tel relevé nécessite plus de 200 heures d’observation, ce qui est énorme pour la première année hautement compétitive des opérations du JWST : les astronomes du monde entier ont demandé plus de quatre fois plus de temps que ce qui était réellement disponible. Les résultats de ce concours ont été annoncés en mars 2021 : la proposition COSMOS-Webb a été acceptée, ce qui en fait le plus grand relevé qui sera réalisé au cours de la première année d’observation de JWST.

Le programme comprend 206 heures avec l’instrument NIRCam de JWST et 80 heures prises simultanément avec la caméra MIRI à plus grande longueur d’onde. À partir de ces observations, le programme COSMOS-Webb produira une nouvelle carte de l’Univers très éloigné, accessible par tous et toutes. Cette carte contiendra des centaines de milliers de galaxies très faibles et lointaines, des balises pour des observations de suivi avec les autres instruments très sensibles du JWST, ainsi qu’un recensement précis de l’Univers primitif. Les astronomes verront pour la première fois la structure et la forme des galaxies au tout début de l’histoire de Univers. Ces observations pourront également les aider à comprendre comment la mystérieuse matière noire a aidé les galaxies à se former aux temps les plus reculés. Par ailleurs, ces observations produiront une nouvelle génération de catalogues COSMOS publics, qui conduiront probablement à des découvertes inimaginables aujourd’hui.

Liens

puce Article (en anglais) de The Astrophysical Journal Supplement Series : Scoville et al. (2007), « The Cosmic Evolution Survey (COSMOS): Overview »

puce Article (en anglais) de l’American Astronomical Society meeting : Weaver et al. (2021), « COSMOS2020: A next-generation catalog to explore the 1 < z < 8 universe »

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Mai 2021

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