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Remise de la médaille de l'IAP au Professeur Wallace L. W. Sargent


La médaille de l’IAP permet d’honorer un astronome ou un physicien qui s’est particulièrement illustré dans les grandes thématiques de recherche abordées lors des colloques de l’IAP, et de porter cette reconnaissance à l’attention du grand public et des jeunes scientifiques. Ces colloques, à l’image des recherches les plus marquantes menées dans notre institut, sont consacrés aux problèmes les plus actuels de la cosmologie, de l’astrophysique et de la planétologie. L’attribution de cette médaille veut aussi rappeler que la recherche porte toujours les fruits d’un effort collectif qui transcende les frontières, les cultures et le temps.

Cette année, le colloque de l’IAP réunit les plus grands spécialistes mondiaux sur la physique d’une raie spectrale bien particulière : la raie Lyman alpha. Pour aussi « monochromatique » qu’apparaisse cette thématique, elle concerne le rayonnement le plus intense des atomes d’hydrogène, ce qui la rend particulièrement intéressante pour l’étude des épisodes de formation des étoiles. Cette raie est vue au laboratoire dans l’ultraviolet, ce qui permet aux cosmologistes de la traquer jusque dans l’infrarouge et ainsi étudier l’univers lointain et par la même, les premières phases de la formation des galaxies. Cette raie est également visible en absorption dans le spectre des quasars, ce qui permet de mieux cerner la nature de l’espace, au demeurant invisible, qui s’étend entre nous et l’univers le plus reculé.

Sur ce thème, plusieurs physiciens auraient pu être honorés de la médaille de l’IAP, mais le nom du Professeur Wallace L. W. Sargent s’est imposé pour ses nombreuses contributions à l’étude de la formation des étoiles dans les galaxies et celle plus particulière des raies en absorption dans les quasars.

Professeur au « California Institute of Technology » (CALTECH) dont il est membre depuis 1966, il fait partie de ceux qui ont le plus influencé l’astronomie observationnelle. Il a écrit plus de trois cents articles dans des revues à comité de lecteur et obtenu de nombreux prix scientifiques.

Les résultats les plus marquant de W. Sargent touchent à des sujets forts variés. Parmi ceux-ci figurent la première mesure de l’hélium primordial à partir de l’abondance des éléments dans les galaxies naines, la première mise en évidence de champs de vitesse dus à l’existence de trous noirs supermassifs, la mesure de la masse de la Galaxie à l’aide de la vitesse radiale de ses satellites, la découverte que la majorité des galaxies proches contiennent un noyau actif d’intensité modérée ainsi que des contributions sur les mécanismes qui génèrent l’activité des galaxies de Seyfert et des quasars. Mais c’est certainement ses travaux concernant le milieu intergalactique diffus et l’histoire chimique de l’Univers qui resteront parmi ses plus importantes contributions. Sargent s’est intéressé dès les années 1960 à l’interprétation des spectres des quasars à une époque ou les observations étaient encore fortement limitées par l’usage d’émulsions photographiques.

Toutefois sa collaboration avec son compatriote A. Boksenberg lui a permis d’utiliser les premiers détecteurs à comptage de photons (IPCS) et d’enregistrer les spectres d’astres faibles comme les quasars. Aussi son article de 1980 portant sur l’origine des raies Lyman alpha en absorption établi de manière certaine l’origine intergalactique de ces raies. De nombreux autres articles datant de cette époque auront une influence considérable car ils établiront l’évolution cosmique de ces systèmes et le lien de certains d’entre eux avec les éléments lourds de galaxies présentes sur la ligne de visée.

Très attaché aux aspects instrumentaux de notre discipline, Wallace L. W. Sargent a été directeur de l’observatoire du Mont Palomar pendant quelques années et fut également co-président du comité scientifique du télescope Keck de 10m. Ses travaux menés à ce télescope avec le spectrographe HIRES l’ont conduit à une meilleure compréhension du milieu intergalactique diffus. Il a pu également mesurer les abondances caractérisant les systèmes Lyman alpha saturés jusqu’à des redshifts proches de l’époque dite de réionisation. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives, en particulier l’étude des étoiles de population III, sans doute à l’origine de l’abondance minimum d’éléments lourds partout observée dans le milieu intergalactique.

Ajoutons que les résultats personnels de Sargent ont été également mis au service de la formation de nouveaux talents ! Dans ce domaine, la plupart des étudiants qu’il a contribué à former constituent un vivier extrêmement productif dans l’astronomie contemporaine, citons par exemple : A. Filippenko, E. Turner, P. Osmer, M. Malkan, J. Kormendy, S. Kent, J. Huchra, R. O’Connell et C. Steidel.

La médaille de l’IAP se doit honorer un physicien ou un astronome en reconnaissance du mérite de ses travaux scientifiques, mais nous reconnaissons que la remise de cette médaille au Professeur W. L. W. Sargent honore tout autant l’Institut d’astrophysique de Paris.
 

Laurent Vigroux et Wallace L. W. Sargent

© J. Mouette /IAP - 2009

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juillet 2009