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Des galaxies géantes de 1000 milliards de masses solaires
un milliard d’années après le Big Bang (z > 4) !
 
Avec une masse maximum de 1012 masses solaires d’étoiles et un trou noir super massif, elles obligent à repenser les modèles de formation de galaxies
 
Les observations de galaxies lointaines sont les témoins les plus directs de l’histoire de la formation d’étoiles dans l’Univers. Le temps mis par leur lumière pour nous parvenir augmente avec leur distance, donc plus les objets sont éloignés plus ils sont jeunes. En les observant sur une distance de plusieurs milliards d’années-lumière, on peut suivre leur évolution et espérer comprendre leur formation.
Il est généralement admis que les premières galaxies sont de petites condensations d’étoiles (de l'ordre d’un million de masses solaires). En raison de la force d’attraction gravitationnelle, ces objets tendent à se rapprocher et, éventuellement, fusionnent. La masse des galaxies augmente donc au fur et à mesure de ces fusions. On estime ainsi qu’il a fallu environ dix milliards d’années (jusqu’à z ~ 1)1 pour former une galaxie massive de 1000 milliards de masses solaires.
Cependant, plusieurs observateurs ont découvert des indices de populations stellaires massives lointaines, ces galaxies pourraient se former en moins d’un milliard d’années. Le modèle standard de formation pourrait donc être remis en cause.

Pour la première fois, des chercheurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris (Rocca-Volmerange et al., 2004, A & A, 415, 931) ont réussi à estimer la masse d’étoiles dans des galaxies observées à différentes distances, depuis les plus proches qui ont l’âge de l’univers (z=0)1 jusqu’aux plus lointaines qui sont vues il y a douze milliards d’années (z= 4)1. Le premier résultat montre que les galaxies ne dépassent pas une masse maximum de quelques 1012 M☼ quelle que soit leur distance (z<4). Cette masse est tracée par la séquence rouge sur la figure, elle confirme aussi que les galaxies les plus brillantes sont les plus massives. Le second résultat est qu’aux plus grandes distances où la masse stellaire est mesurable (z<4), on trouve déjà des galaxies de 1012 M☼ , soit plus de mille milliards de masses solaires accumulés en moins d’un milliard d’années depuis le début de l’expansion de l’Univers (z ~ 1000) ! Enfin les galaxies les plus massives sont des galaxies elliptiques, forts émetteurs radio (symboles carrés rouges) qui abritent un trou noir super massif (de près d’un milliard de masses solaires). Les mesures de masse et d’âge ont été réalisées avec le code d’évolution spectrale PEGASE développé par des chercheurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris (Fioc & Rocca-Volmerange, 1999) et utilisé par de nombreuses équipes de recherche internationales.
Plusieurs questions essentielles pour la formation des galaxies se posent alors: Pourquoi la masse supérieure des galaxies est-elle limitée à quelque 1012 M☼ ? Comment accumuler une telle masse en si peu de temps pour les plus lointaines ?
 
La réponse la plus vraisemblable est que ces galaxies se sont formées par effondrement très rapide, semblable à une implosion, d’un nuage de gaz initialement massif. Au delà de 1012 M☼ , l’effondrement ne se produit pas, c’est la limite de fragmentation : ce modèle, a été proposé avec les bonnes valeurs caractéristiques en 1977 par les professeurs Martin Rees (Cambridge) et Jeremy Ostriker (Princeton). Il explique aussi la formation d’un trou noir. Des questions restent cependant encore ouvertes : ces radio galaxies elliptiques sont-elles des objets rares, les galaxies normales évoluant quant à elles par fusions successives ? Toutes les galaxies possèdent-elles un trou noir ? Quant à l’influence du trou noir super massif sur la formation d’étoiles, elle reste encore à découvrir.
  1. Dans un univers en expansion, les distances peuvent se convertir en temps. La mesure de distance est faite à partir du redshift z.  Les objets à z=0 sont les plus proches de nous, ils ont au  maximum l’âge de l’Univers  (13 milliards d’années).  La formation de l’univers correspond à z = ¥.  Les  galaxies commencent à se former à z = 10 (0,5 milliard d’années après la formation de l’univers et à 12,5 milliards d’années de nous), on commence à mesurer les masses stellaires  à z=4 (un milliard d’années après la formation de l’univers et à 12 milliards d’années de nous), les galaxies les plus massives du modèle standard devraient apparaître à z=1 (~10 milliards d’années après la formation de l’univers, et  à 3 milliards d’années de nous). Ces estimations sont données pour un modèle cosmologique standard (W M =0.3, W L = 0.7, H0 = 65 km s-1 Mpc-1).




 

Légende de la figure : Luminosités infra-rouges K (2,2 microns) de galaxies en fonction de la distance (ou ¨redshift¨z1) dans les relevés les plus profonds de la nouvelle génération de télescopes (HST, VLT, KECK, CFHT). Les masses sont mesurées à partir des luminosités stellaires en tenant compte de l’évolution propre des galaxies. Le résultat est que les galaxies les plus lumineuses (symboles carrés rouges) sont bien interprétées par des masses maximales de 1012 M☼ (courbe rouge). Certaines, qui ont atteint cette masse de 1012 M☼ il y a plus de 12 milliards d’années dans le passé, mettent en question le modèle standard. Ces galaxies les plus lumineuses et massives ont toutes une émission radio due à un trou noir central super massif

 
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Contacts
Brigitte Rocca-Volmerange brigitte.rocca@iap.fr
Damien Le Borgne leborgne@astro.utoronto.ca
Carlos de Breuck (ESO) cdebreuc@eso.org

mars 2004