Paris, le 1er juin 2001

Texte fourni par Serge Koutchmy

 

 

 

Soleil Noir le 21 juin 2001 : une éclipse totale dans l'hémisphère Sud

 

 

Les images en direct sur le site de l'Institut d'Astrophysique Spatiale

 

 

  On a déjà beaucoup parlé de cet événement très attendu par une Communauté pluridisciplinaire qui croît en qualité et, évidemment, en nombre de membres. Pas seulement des amateurs de grandes émotions célestes qui parcourent le Monde, voyageurs infatigables, bien pacifiques et bien sympathiques d'ailleurs. Il y aura par exemple les déçus de 1999[1], ceux qui s'étaient investis et qui ont dû subir la loi de la Météo nuageuse du Nord de l'Europe. Il s'agit également, et c'est bien justice, des nombreux curieux du ciel, cultivés ou pétris de croyances ancestrales, subissant quelquefois depuis des décennies des guerres importées ou imposées, tous ces habitants d'Afrique australe (voir Fig. 1) qui vont être aux premières loges cette

 

 

Figure 1: Tracé de la trajectoire de l'ombre de la Lune sur l'Afrique australe durant l'éclipse totale du Soleil le 21 juin 2001 (P. Rocher ; IMC-Paris).

 

 

Figure 2- Affichette présentant l'événement en Angola (image utilisée pour confectionner de nombreuses affiches et dépliant mettant en garde la population du danger ophtalmique). @val.koutchmy

 

 

 

 

fois[2] et qui vont pouvoir témoigner de la force des prédictions de la mécanique céleste (grâce à tous ceux qui élaborent ces calculs à l'ex-Bureau des Longitudes devenu l'Institut de mécanique céleste, et ailleurs). Ils se préparent en grande partie sous la pression des nombreux « touristes scientifiques » qui, eux, s'organisent depuis longtemps pour investir les régions les plus favorables (de leur point de vue qui n'est pas strictement astronomique ou scientifique) de Zambie, du Zimbabwe, du Mozambique et de Madagascar. Quelques-uns  iront même en Angola, voir Fig. 2, région la mieux servie en durée de la totalité (plus de 4.5 min), en hauteur du Soleil dans le ciel et enfin en probabilité de ciel clair (données NASA), mais pays pratiquement inaccessible[3] jusqu'ici, du fait de la guerre civile qui a ravagé durant les 25 dernières années cette partie convoitée de l'Afrique. A noter que le maximum de la totalité se passe au-dessus de l'Atlantique Sud, au large des côtes de l'Angola.

 

 Un nombre incalculable de sites Web traite de cet événement déjà d'ailleurs présent dans les médias. Des millions de lunettes d'éclipse (7 millions de lunettes pour Madagascar seul) sont mises sur le marché[4]…S'il fallait citer un seul site plutôt prolifique, mentionnons pour ceux qui ne le connaissent pas, celui du « Solar Eclipse NewsLetter », géré par une petite équipe dirigée par Patrick Poitevin sur www.Mr.Eclipse.com/SENL/. Le numéro de mars 2001 (Vol. 6,  # 3) , est déjà impressionnant :  53 pages sur plusieurs colonnes. Celui d'avril est constitué de 2 volumes encore plus gros que je n'ai pas eu le courage de télécharger et décompresser. On peut imaginer la suite, surtout durant le mois de l'éclipse !

 

 

L'IAP-CNRS, Paris 6, des scientifiques et spécialistes de différents Laboratoires, notamment  l'IAS d'Orsay, l'Observatoire de Paris et le CNES, ont organisé une petite expédition sur l'invitation de la Commission angolaise, en vue de faire toute une série d'observations d'intérêt principalement astrophysique[5]. Pour l'essentiel, voir table ci-jointe, il s'agit de sujets nouveaux, comme la tentative de mesurer la comptonisation[6] des photons sur des structures très fines produites lors des éruptions (mais aurons-nous une région à éruption au bord du disque solaire, le jour de l'éclipse ?), la mesure de l'anisotropie[7] de la température ionique

 

ECLIPSE 21 JUIN 2001 ANGOLA (SITE DE SUMBE Φ= -11°12', λ= 13°50', T0= 12 h 38, h=49°)

Expériences françaises (projets)

 

 

 

Imagerie

 

 

ANALYSE SPECTROSCOPIQUE

 

 

Etude des structures de la couronne de plasma

Photométrie / polarimétrie : couronne blanche

Analyse thermodynamique (température, vitesse), couronne  monochromatique

Recherche des ondes et des plasmoides

 

 

Spectroscopie fente - miroir raie verte ; spectrographie large bande ; expérience avec étalon Fabry-Pérot

Température  ionique, électronique, équilibre d'ionisation, anisotropie

Vitesse doppler, turbulence

 

 

1)     Images moyenne résolution

 

sidérostat F=150 mm + OT 100 clavé + filtre neutre radial + film 13*18 ET / OU cœlostat F=140 mm + Fluo 103 + filtres interférentiels + lentille de  champ + transfert optique + caméra CCD ''Obspm'' 14 bits « Photometrics » (lecture rapide)

 

      2)  Images haute résolution

 

sidérostat F=220 mm + Questar 7 '' + Caméra DV JVC OU  Monture GP + Questar 7''+ oculaire + Caméra DV JVC (''numérique-rapide '')

 

      3)   Polarimétrie, photométrie

 

a) Telementore + monture équatoriale + analyseur de polarisation + Nikon + transfert optique 10 cm + filtre neutre radial (masque‘afocal')  + Coolpix 950

b) F 500 mm + analyseur polarisation + monture trépied + films couleur                 

c) F 180 mm + analyseur polarisation + monture trépied + CCD Canon           (EOS-D30) couleurs 3Mpx

d) Webcam + Inmarsat

 

 

   1)  Spectrographe avec fente – miroir :

 

    réseau 2400 traits/mm, F 600 mm, fente 200 mm, l0 =550 nm

a)     sortie raie verte (530,3 nm) + film Tmax 3200 +Olympus motorisé  ou CCD-vidéo+transfert optique

b)     Slit-Jaw (image fente) + vidéo CCD vers PC ou magnétoscope

c)     Sortie spectrographie + vidéo CCD DV (spectre total : 380 - 800 nm)

 

   2)  Spectro-imageur à Etalon multi-couches diélectriques de  Fabry-Pérot :

 

 

sidérostat F 220 + L1 :F 1500 F150 + L2 (lentille de champ) + filtre neutre  radial + L3 :F 300 + Fabry Pérot (450-550 nm, d³300mm, F 30 mm, platine q,F)+ filtre interférentiel (530,3 nm ; Dl=2,5 Å ; F=50mm ) sur platine q + L4 : F55 mm + caméra CCD  Hisis,16 bits,  pixel 9mm

 

 

 

assez loin dans la couronne solaire, la recherche de raie(s ?) coronales nouvelles dans la couronne intermédiaire (y compris dans la partie non collisionnelle) ou encore des mesures sur les régions de transition autour des protubérances plus diluées et complètement immergées dans la couronne, y compris par la recherche des plasmoïdes[8].

 

 Des observations coordonnées avec les moyens spatiaux les plus opérationnels sont également prévues (EIT et Lasco de SoHO ; TRACE et vol fusée depuis le polygone de tir des  White-Sands au Nouveau-Mexique-USA) quelques heures après la totalité en Angola. A noter que les observations d'éclipse-sol fournissent un moyen économique d'étalonner des mesures plus systématiques faites dans l'espace. Par ailleurs, tous les moyens sol d'observation de routine, comme à Meudon et au Pic du Midi, moyens aujourd'hui un peu limités en ce qui concerne l'étude de la couronne solaire, sont sollicités.

 Une liaison satellite sera établie avec un dispositif INMARSAT portable grâce au CNES, et nous avons prévu de pouvoir également établir une liaison  avec le centre MEDOC d'Orsay, durant l'éclipse, de manière à pouvoir disposer sur le site de Sumbé, des images EIT de SoHO et des images X de Yohkoh. Des images « éclipse » seront donc mises à disposition sur des sites Web sélectionnés tels le site de Medoc :

http://www.medoc-ias.u-psud.fr

 et celui des Amateurs de la SAF (hébergé sur www.iap.fr). Enfin, de manière générale, cette éclipse sera suivie sur Internet comme jamais sans doute depuis l'explosion de ces techniques de communication, et les chaînes TV internationales US, japonaises, allemandes, françaises etc. n'auront pas de mal à s'approvisionner. La Fig. 3 montre déjà un exemple d'image de synthèse que l'on pourra y trouver !? 

 

 

Figure 3- Représentation  du chapelet simulé pour un site près de Sumbé en Angola.

 



[1] A noter cependant un très grand nombre d'excellentes observations en France, en Iran et ailleurs, comme en ont témoigné les nombreuses communications à différents Colloques en Turquie, en Bulgarie, en Belgique et évidemment en France, à l'occasion de « Rencontre 2000 : Eclipses et Physique Coronale »,  organisée par l'IAP et la SAF en avril 2000.

[2] L'un de nos correspondants originaire de Mayotte, en visite à l'IAP, a rapporté cette anecdote datant du 11 août 1999 : Certains habitants de là-bas (pays musulman à 98%) très à l'écoute sans doute des évènements astronomiques de l'Occident, se sont plaints de ce que les Autorités (administration française) ne s'étaient pas préoccupées d'assurer une bonne « couverture » de cette éclipse de 1999, y compris en distribuant des lunettes spéciales, se demandant enfin pourquoi ils en avaient été privés ?

[3] Les choses ont un peu changé depuis quelques semaines avec la création  de la Commission « Eclipse »  du gouvernement légal de Luanda et l'assurance d'accéder à une région  « sécurisée » et donc la délivrance de visas pour la  période et la région (Sumbé) concernées, voir le site Web : www.eclipse.ao .  

[4] Pour notre part, une opération destinée à fournir 46000 filtres solaires aux écoles et collèges d'Angola a été entreprise, sous forme de « kits » qui seront distribués à une centaine d'établissements avec la complicité des Enseignants de ce pays.

[5] Par ailleurs, J. Arnaud de l'Observatoire du Midi Pyrénées (Toulouse) intègrera une équipe américaine en Zambie pour tenter de nouvelles mesures de la polarisation d'une raie forte infra-rouge, le plus loin possible dans la couronne.

[6] Quelquefois aussi appelé effet Compton inverse, cet effet de nature relativiste se traduit soit par un bleuissement (quand les électrons accélérés dans la couronne sont précipités vers la surface) soit par un rougissement, d'ailleurs plus facile à mesurer (pour des électrons diffusants qui s'éloignent de la surface), du rayonnement de la couronne. A noter que la théorie classique de la couronne solaire explique sa lumière blanche comme produite par la diffusion de la lumière du disque sur les électrons de la couronne en faisant l'hypothèse que ces électrons sont purement thermiques (au repos), alors que depuis longtemps la Radio-astronomie et les observations in-situ ont montré l'existence d'électrons supra-thermiques et d'électrons relativistes. 

[7] La température  ionique peut être évaluée grâce à la mesure précise du profil d'une raie d'émission d'un  ion comme celui du Fe XIV avec sa raie très forte à 530.3 nm. Grâce à nos mesures de 1999 en Iran, nous avons

 apparemment découvert que cette température montrait systématiquement une forte décroissance loin dans la couronne dans une direction plutôt orthogonale au champ magnétique.  Ceci demande à être étayé.

[8] Les plasmoïdes sont souvent observés à l'occasion des éjections chromosphériques, sous forme de petits nuages de plasma. Néanmoins, les plasmoïdes magnétiques, révélés par la cavitation produite dans la couronne lors de leur formation, sont soupçonnés être responsables du déclenchement des grandes éjections de masse (CME) à cause de leur « flottabilité ». Comme dans le cas de la comptonisation, l'usage de caméras CCD plus performantes que la photo devrait permettre d'appréhender ces phénomènes durant une éclipse totale.